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Ca devrait bien se passer

Alice Van de Walle, Ca devrait bien se passer
Grand projet, Scénographie, 2016
Il m’est arrivé de me sentir submergée par une émotion si forte que ma poitrine fut physiquement compressée. Il m’est arrivé d’aimer tellement, que le sourire ne voulait plus se décrocher de mes lèvres, et de vivre la peur que tout s’arrête à en faire trembler chaque membre de mon corps. J’ai déjà eu si peur que mon coeur battait à l’entendre comme s’il était à l’extérieur de mon corps.
  • Ensad - Scénographie 2016 © EnsAD / Pernelle Popelin
  • Ensad - Scénographie 2016 © EnsAD / Pernelle Popelin
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  • Ensad - Scénographie 2016 © EnsAD / Pernelle Popelin
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Descriptif

Informations

Il m’est arrivé de penser être un enfant de remplacement. Il m’est arrivé de vouloir être si parfaite que le regard des gens me figeait. Un jour, j’ai vu ma mère prise d’une folie furieuse, et tout détruire dans la maison, me déclenchant ma première frayeur. Il m’est arrivé de voir quelqu’un pleurer, me rendant si mal à l’aise que je ne savais plus s’il fallait que je pleure ou que je la console. Toutes ces sensations sont pour moi des sources d’angoisse. Ce sont de petites boules de mauvaises choses que l’on ne surmonte pas vraiment, et que je stocke au fond de ma mémoire. Elles restent là, dans mon subconscient, comme une mare de cadavres. Et à chaque nouvelle peur, le flot entier d’angoisses ressurgit. Il s’écoule dans mes veines, et chaque nuit, pénètre jusque dans mes rêves. Je me crée un univers d’histoires morbides et fantastiques que, consciente, je ne me pensais pas capable d’imaginer. En ce début de 5ème année, l’idée de ce grand diplôme a été : la GRANDE ANGOISSE. Après avoir lu des centaines de textes, L’Epave de Guy de Maupassant s’est imposé à moi.
Il décrivait l’attente, une marche interminable, des matières si sensuelles que je me voyais marcher sur ce sable humide comme dans de la chair molle. Il y décrit des milliers de bruits d’insectes, rongeant le bois d’une carcasse de navire, semblable à une baleine échouée, à la fois caressée et dépecée par les vagues, dévorée par le monde marin, et engloutie un peu plus à chaque clapot. Ce texte, évoquant de prime abord une tempête banale, est l’écho de mon jus d’angoisse qui pourri au fond de mon inconscient, et qui, à chaque petit coup de stress, ressurgit en tonnerre. Un cadavre qui se fait dévorer jusqu’à s’écrouler. Une tempête lente où l’on attend la mort, et lorsque l’on en sort, sauvé, la déception s’empare de nous. Nous nous sentions si vivant au coeur de cette frayeur. J’ai voulu travailler le grandiose de la nuit, le grandiose de l’angoisse, la complétude de cet instant qui nous fait sentir vivant. Je l’ai travaillé par une vidéo de matières liquides et lourdes qui grouillent et viennent nous entourer lentement. La surface de projection est suffisamment grande, de façon à ce qu’elle puisse retranscrire la sensation d’être face à l’infini. Le dispositif est un îlot, dont l’homme, par sa position, domine et est encerclé par ce qu’il voit. Le tout est placé dans un lieu à l’abandon, une carcasse qui s’écroule : La maison du peuple de Clichy, habitée de vielles histoires : combats de boxes, représentations, fêtes. Ce bâtiment a la particularité d’être amovible de toutes parts. La verrière du toit coulisse, laissant apparaître le ciel. Les plaques du sol s’ouvrent au centre, laissant un trou béant au milieu d’une énorme plateforme, les fenêtres peuvent s’occulter et une paroi de fer se déploie si besoin. J’ai choisi d’ouvrir les entrailles du bâtiment, et de laisser un creux immense au coeur du plancher, pour faire surgir du sous-sol une plate-forme de 7m de haut, encerclé à sa surface par le reste du sol du premier étage. Tout autour de la plateforme, en suspension à 60 cm du sol du premier étage, un tissu translucide de couleur noire recouvre le sol. La représentation dure entre 15 et 20 min. Les spectateurs s’élèvent à la surface de la plate-forme « îlot » par un escalier situé au coeur de celui-ci, auquel ils ont accès par le sous-sol du bâtiment. Arrivés en haut, une longue attente d’une à deux minutes accompagnée de bruits de pas. Puis apparaît, autour de l’îlot, des ombres de plus en plus profondes dont on finit par ne plus voir la fin.
Un bruit de bois rongé résonne, et une vidéo se déclenche, faisant apparaître du bout de la salle une coulée de liquide se rapprochant du coeur où se trouvent les spectateurs. De là nait l’angoisse et le fantasmede Maupassant, les vidéos passent alors à la couleur, et nous transportent dans un monde plus vif. Le chant d’un choeur retentit, les acteurs-chanteurs apparaissent flous au sous-sol, dans les profondeurs de la fosse à travers la matière tendue. Les voix s’estompent petit à petit, suivi de leur image. Ici, on contemple, et on projette nos plus belles images d’angoisse sur cette immensité toilée, qui nous plonge dans l’univers de la mer en furie au coeur de la nuit. On contemple la beauté de la peur en espérant que tout s’aggrave pour se sentir encore un peu plus en vie, le temps d’un instant

Étudiant(s)
Alice Van de Walle
Titre
Ca devrait bien se passer
Type
Grand projet
Secteur
Scénographie
Année
2016